L’impact guide le quotidien de tous les Ÿnsecters : comment nourrir la planète tout en préservant les ressources et la biodiversité ? Au fur et à mesure que nos initiatives s’élargissent, nous avons décidé de donner la parole à ceux qui contribuent à changer le monde, à proposer des alternatives et à croître durablement. Aujourd’hui, nous rencontrons Guillaume Gomez, ancien chef de l’Elysée, qui a créé de nombreux projets mêlant formation et cuisine pour partager son savoir-faire et ses valeurs avec les talents de demain.
On parle de gastronomie diplomatique : comment la cuisine change-t-elle le monde ?
J’ai toujours pris le temps d’échanger avec ceux qui font la gastronomie d’un pays : pâtissiers, viticulteurs… Si de nombreux sujets peuvent diviser les gens, la table les rassemble. A table, on peut échanger, débattre, découvrir des problématiques communes : l’impact de notre alimentation sur l’environnement et la santé. La cuisine change la vie des gens. Je crois qu’il ne faut pas confondre la « gastronomie », un mot élitiste, avec la vraie « gastronomie ». La gastronomie commence par le besoin vital de se nourrir, mais c’est quelque chose que nous faisons tous, de manière différente. La cuisine change le monde car la table a le pouvoir de rassembler : c’est un moyen de se connaître, de s’ouvrir à de nouvelles cultures. Il n’y a pas de meilleur moyen de découvrir un pays qu’à travers la gastronomie.
Vous avez récemment quitté les cuisines de l’Elysée pour un nouveau défi : défendre la « cuisine française » dans le monde. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Il s’agit avant tout de préserver un certain sens de notre alimentation ! C’est défendre une certaine idée du repas et, la conception sociale de l’alimentation : comment nourrir nos familles ? Défendre l’alimentation à la française, c’est mettre en avant notre savoir-faire, l’utilisation des circuits de distribution locaux. Presque aucun autre pays ne le fait ! Aujourd’hui, je pense que nous nous posons de vraies questions sur l’impact de notre alimentation sur l’environnement et la santé. Ce n’était pas le cas il y a 30 ans. Nous devons être les champions d’un modèle durable ! Il ne s’agit pas simplement de conseiller et d’accompagner le changement. Je pense qu’il est essentiel de montrer que tradition et innovation ne s’opposent pas forcément mais peuvent fonctionner ensemble. Il faut rester ouvert et conscient de ce qui nous entoure pour continuer à progresser et à innover.
On parle de plus en plus d’alimentation durable. Qu’est-ce que cela signifie pour vous?
Je pense qu’il y a eu une réelle prise de conscience mondiale : il n’y a aujourd’hui aucune industrie qui ne prenne des engagements sociétaux et environnementaux. Chacun est conscient que ce qui était bien hier n’est pas forcément bien aujourd’hui, et qu’il faut réfléchir à la meilleure façon de mettre en œuvre ce changement. Nous ne pouvons vraiment changer les choses que si nous le faisons ensemble ! Je pense aussi que les consommateurs doivent être éduqués sur le pouvoir qu’ils ont : si je ne veux pas que les tomates soient disponibles en hiver, alors moi, en tant que consommateur, je dois arrêter d’en acheter. Mais pour que le changement se produise, nous devons être ouverts à la discussion et ne pas incriminer ou juger. Et, nous devons faire comprendre aux gens que l’alimentation durable ne signifie pas moins savoureuse. Au contraire, rien de mieux qu’une fraise, une tomate ou un melon de saison !
Pouvez-vous nous parler de votre Institut d’Excellence à Madagascar ?
Tout d’abord, il faut comprendre pourquoi nous avons choisi d’y aller ! A Madagascar, le concept d’école n’existe pas : la plupart des enfants travaillent la terre pour aider leurs parents ; dans la culture malgache, l’école n’a pas la même importance que dans la nôtre, ni la même nécessité. Sortir de ce système est très compliqué pour les jeunes. C’est pourquoi nous avons voulu créer l’Institut ici à Madagascar. L’essence de l’Institut est vraiment d’aider les jeunes, de leur fournir des compétences et une base pour pouvoir construire quelque chose qui leur soit propre. L’idée est de créer de la valeur ensemble, d’échanger. Je suis consciente de la chance que j’ai d’être française et d’avoir eu la possibilité de me lancer dans la cuisine, alors je partage et j’essaie d’aider ceux qui n’ont pas eu le même luxe. Avec l’Institut, j’essaie aussi de faire passer un message au public : il ne faut pas attendre d’être touché par un problème pour agir. Tout le monde peut donner du temps, de l’argent ou juste une oreille ; et l’école a cet objectif : motiver les jeunes, attirer des partenaires et transmettre des valeurs fortes. J’espère que certains d’entre eux pourront alors changer les choses pour le mieux et aider leur pays !
Quelles sont les valeurs essentielles au sein d’une cuisine et entre les équipes ?
Je pense avant tout que c’est un métier de passion, une vocation : cela ne nous facilite pas la tâche. Viennent ensuite le partage des savoir-faire, l’humilité, l’écoute… Les gens sont curieux d’apprendre, d’évoluer et ont conscience qu’il faut avancer sans renoncer ni renier ce qu’ils ont appris. Tout est une question d’équilibre entre tradition et innovation.