En quelques mots, pouvez-vous nous expliquer votre métier ?
Je suis un microbiologiste spécialisé dans les environnements extrêmes, c’est-à-dire les environnements dans lesquels l’homme ne pourrait pas vivre, tels que les volcans, les fonds marins, etc. Depuis l’âge de 6 ans, je rêvais d’être chercheur en biologie marine : j’avais tout prévu pour mon avenir ! Je suis allé à l’université et j’ai écrit une thèse dans un laboratoire à Brest. Ensuite, je suis parti en Islande pour compléter mes recherches postdoctorales, et après 2 ans, j’ai été recruté en tant que chercheur. Notre équipe de microbiologie est en partenariat avec Matis, une entreprise de sécurité alimentaire, ce qui signifie que j’ai un meilleur accès aux sujets de nutrition.
Comment êtes-vous passé du travail pour une entreprise de recherche alimentaire à la recherche de la vie sur un volcan islandais ?
L’Islande est un pays très particulier, c’est un véritable observatoire à ciel ouvert ! Il existe une île exclusivement réservée aux scientifiques, qui s’est formée grâce à une éruption volcanique sous le niveau de la mer : c’est l’île de Surtsey. Notre équipe de microbiologie a déposé une proposition pour prélever des échantillons d’air et de terre après l’éruption du Fagradalsfjall. C’était très excitant : avoir accès à des roches volcaniques fraîches ! Mais, la première coulée de lave ne s’est pas encore installée; nous devons être très prudents avant de prélever des échantillons.
Pourriez-vous expliquer le but de cette expédition ?
Les recherches sur les roches volcaniques montrent qu’un mois après une éruption, des micro-organismes peuvent être trouvés. Ils peuvent s’adapter à n’importe quel environnement, même les plus extrêmes. Notre objectif est de prouver que la vie se développe et se déplace partout : par exemple, nous avons même trouvé des cellules d’Islande dans les Alpes ! On attend maintenant le résultat de l’analyse pour savoir si l’ADN a changé pendant le déménagement.
Votre travail en Islande met également en évidence la gravité des effets du changement climatique. Quelle est votre vision du futur ?
Il est vrai que l’évolution de l’environnement et de la biodiversité de l’Islande est le résultat de changements dus au changement climatique. Il n’y a pas si longtemps, les pêcheurs n’auraient pas pu trouver de maquereau aux abords de l’île ; aujourd’hui, leurs filets en sont remplis. Les mammifères marins ne migrent plus pour trouver de la nourriture. Des algues sont apparues, dues à la fonte des calottes glaciaires et à trop de nutriments. Malheureusement, malgré toutes ces observations, elles sont encore peu connues. Oui, les gens écoutent davantage les scientifiques de nos jours, mais rien ne change ! En Islande, la crise du COVID-19 a eu un impact significatif sur le tourisme, qui est la principale source de revenus du pays. Le gouvernement a pris différentes mesures pour protéger sa nature et faire revenir les touristes. Pour l’avenir, nous devrons redoubler d’efforts pour limiter notre impact ; la nature reviendra toujours se battre !
L’expédition vous a-t-elle sensibilisé ? Quels messages souhaiteriez-vous faire passer ?
Vivre en Islande et travailler dans la nature m’a naturellement confronté à l’impact que nous avons sur notre environnement et notre biodiversité ! Cela a également eu un impact sur ma façon de vivre, et j’aimerais pouvoir dire que tout le monde est conscient de l’environnement. Les gens devraient voyager de manière responsable, en évitant les road-trips solitaires dans le pays par exemple ! Les gens ne réalisent pas à quel point c’est dangereux, un blizzard peut être étonnamment dangereux. Il est essentiel de respecter la nature ! Si l’on prend l’exemple du peuple islandais, il a toujours voulu protéger son pays et est en perpétuelle adaptation. Nous avons beaucoup à apprendre d’eux en France, sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan social. En tant que femme mariée, mère et scientifique, en France, je ne pouvais pas beaucoup travailler. En Islande, le congé parental est le même pour les hommes et les femmes : chaque parent dispose de six mois pour s’occuper de son enfant, ce qui est très motivant. Ils obtiennent également de très bons résultats en matière d’égalité de rémunération. Nous devrions vraiment être plus ouverts aux autres modèles et regarder au-delà de nos propres opinions et expériences !
Après l’Islande, savez-vous où sera votre prochaine expédition ?
J’adorerais aller en Antarctique pour étudier les différences et les similitudes entre les micro-organismes des deux pôles. J’ai aussi pensé à aller en Australie avec ma famille. Nous aimons vivre en tant qu’expatriés, apprendre les uns des autres, découvrir de nouvelles cultures et être en contact avec la population locale. ‘Trip’ est synonyme d’’ouverture d’esprit’ selon moi ! Mais pour l’instant, je reste en Islande !