Qu’avez-vous étudié et quel est votre métier aujourd’hui ?
Je suis allé à AgroCampus Ouest à Rennes, dans les années 80, où j’ai effectué un Master en Physiologie Animale, suivi d’un Doctorat en Microbiologie Intestinale à l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign. Aujourd’hui, je suis directeur de recherche à INRAE ainsi que responsable scientifique du centre d’excellence MetaGenoPolis en analyse du microbiome. J’étudie actuellement les liens entre le microbiote intestinal et les maladies chroniques, vers une amélioration des diagnostics et des traitements.
En quelques mots, pourriez-vous expliquer ce qu’est le microbiote intestinal ?
Le microbiote intestinal est la communauté de micro-organismes qui vivent dans le tube digestif. Nous sommes microbiens. Notre corps se développe avec l’âge, et avec lui, notre microbiote. Sa présence et son impact sont bien réels. Nous établissons et entretenons une interaction constante avec elle dès le jour de notre naissance ! Ces micro-organismes nous apportent des fonctions protectrices, des vitamines, facilitent la digestion et les défenses immunitaires. Globalement, ils sont très importants pour une vie bien équilibrée !
Dans votre travail, vous évoquez la relation entre le microbiote et les maladies chroniques. Pouvez-vous expliquer ce que c’est?
Aujourd’hui, tout le monde sait qu’il existe un lien puissant entre le cerveau et l’intestin. Juste un exemple : lorsque nous devons passer un examen, notre stress peut provoquer des douleurs physiques, des malaises et des malaises. Pourtant, après des années de recherche, on sait aujourd’hui qu’il existe un chemin qui va dans le sens inverse, de l’intestin vers le cerveau, en passant par le sang, le système nerveux, etc. Par exemple, lorsque nous mangeons, notre intestin envoie au cerveau de petites molécules capables de réguler notre humeur. Le lien entre microbiote et maladies chroniques s’opère de la même manière : lorsque notre microbiote est altéré ; son dysfonctionnement peut induire des affections chroniques telles que des maladies métaboliques, des troubles du système digestif, des maladies cardiovasculaires, des cancers, etc. Nous travaillons pour aller au cœur de cette causalité. C’est la question classique de la poule ou de l’œuf : nous ne savons toujours pas si les troubles du microbiote déclenchent la maladie, ou si la maladie déclenche les troubles du microbiote. Dans tous les cas, nous fonctionnons comme un système complexe pour lequel la relation hôte-microbiote est centrale et son altération, quel que soit l’événement initial, au cœur des risques de maladies chroniques.
Comment savoir si notre microbiote est en mauvaise santé ?
Il vous suffit d’écouter votre corps pour savoir si votre microbiote a été compromis : cela peut se manifester par des troubles digestifs, des douleurs, des symptômes intestinaux, etc. Ces symptômes sont en première ligne du dysfonctionnement du microbiote : lorsqu’ils sont mauvais, ils peuvent se propager à d’autres parties du corps. Aujourd’hui, le microbiote et l’intestin en général sont associés au développement anarchique des pathologies des sociétés modernes. Au cours du siècle dernier, tant de choses ont changé dans notre vie quotidienne : nous sommes devenus sédentaires, tout autour de la naissance a changé, la technologie a évolué et les traitements se sont multipliés, nos régimes alimentaires ont changé, comme notre exposition aux produits chimiques dans l’environnement, pour lesquels nous n’étions pas préparés biologiquement. Tous ces facteurs augmentent le risque de mettre en péril notre microbiote, directement ou indirectement par une altération de notre physiologie intestinale.
Comment mieux prendre soin de notre microbiote ?
Il n’y a pas de grands secrets ici. Il suffit de veiller à répondre à ses besoins : vivre sereinement, c’est-à-dire favoriser un environnement dans lequel on évite le stress, rester actif et en contact avec la nature, limiter l’exposition aux produits chimiques et aux aliments hautement transformés, suivre une alimentation saine . Sans surprise, ces derniers peuvent avoir un réel impact sur le microbiote. Une mauvaise alimentation est synonyme de « trop » : trop de gras, de sel, de sucre, peut-être même d’alcool ou de tabac. Aujourd’hui, on entend souvent dire que manger cinq portions de fruits et légumes est idéal pour avoir une alimentation équilibrée ; mais je pense qu’il faut aller plus loin, en consommant environ 20 fruits et légumes différents par semaine. Elle garantirait la variété et la diversité des apports nutritionnels ; la meilleure option pour notre microbiote !
Vos recherches et leurs résultats aident-ils le diagnostic et la santé publique ?
Les résultats que nous avons obtenus, notamment sur le lien entre microbiote et maladies chroniques, permettent un diagnostic plus éclairé. La prévention est nécessaire car, au cours du siècle dernier, nous avons assisté à une augmentation drastique de l’incidence des maladies chroniques. L’OMS prédit qu’une personne sur quatre sera touchée par au moins une maladie chronique dans un futur proche : aujourd’hui aux USA, une naissance sur cinquante présente des signes d’autisme. Grâce à nos recherches, les praticiens pourront combiner les résultats des analyses sanguines et du microbiote, pour aider à trouver le meilleur traitement possible. Concernant le grand public, nous essayons de diffuser des informations pour aider les gens à mieux prendre soin d’eux et à trouver le parfait équilibre. Ma devise : prendre soin de son microbiote pour prendre soin de soi !